Le gouvernement Legault procédera à l’implantation d’un test des valeurs. Mais contrairement à ce que le premier ministre du Québec souhaitait initialement, ce test ne sera pas une condition à l’obtention de la résidence permanente d’un nouvel arrivant. Il sera plutôt inséré dans le processus de sélection.

Un ressortissant étranger qui souhaite s’établir au Québec à titre permanent ainsi que les membres de sa famille qui l’accompagnent devront obtenir une attestation d’apprentissage des valeurs démocratiques et des valeurs québécoises afin d’être sélectionnés par le ministère de l’Immigration.

Ce document sera donc indispensable pour décrocher le Certificat de sélection du Québec (CSQ).

Les enfants mineurs ou les candidats à l’immigration ayant une condition médicale qui [les] empêche d’obtenir l’attestation sont cependant exemptés de cette évaluation, indique la Gazette officielle du Québec, qui a publié mercredi ce règlement modifiant l’actuel règlement sur l’immigration.

Cette disposition avait déjà été annoncée par Radio-Canada fin septembre, et le cabinet du ministre Simon Jolin-Barrette n’avait pas souhaité formuler de commentaires.

Un système d’immigration en deux étapes

En vertu d’un accord entre le Canada et le Québec, la province peut choisir elle-même une partie de ses immigrants. Les candidats à l’immigration permanente doivent dans un premier temps obtenir un Certificat de sélection du Québec (CSQ), qui est délivré en fonction de plusieurs critères, comme l’âge, les diplômes ou l’expérience du candidat.

Avec ce CSQ, ces nouveaux arrivants peuvent décrocher leur résidence permanente, qui est de compétence fédérale, et qui permet de travailler et de s’installer n’importe où au pays.

Des possibilités de repasser cette évaluation

Comment cette attestation va-t-elle s’obtenir? Deux options sont présentées : une évaluation en ligne « portant sur les valeurs » ou la participation, pour les personnes vivant déjà au Québec, à un cours « portant notamment sur ces valeurs » d’une durée de « 24 heures », a précisé le premier ministre François Legault.

Je pense que c’est normal, quand on s’installe dans une nouvelle société, qu’on connaisse les valeurs de cette société, a-t-il indiqué.

Si vous voulez venir vivre au Québec, il faut que vous connaissiez les valeurs au Québec. Faut que vous sachiez qu’au Québec les femmes sont égales aux hommes, que le principe de la laïcité est important, qu’il y a une séparation entre l’État et la religion.

François Legault, premier ministre du Québec

Les modalités de cette évaluation, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2020 et sera entièrement gratuite pour les candidats, semblent être inspirées de l’examen pour la citoyenneté canadienne, régulièrement cité par François Legault pour justifier la mise en place d’un tel test.

À l’instar de cette étape qui permet d’obtenir la citoyenneté canadienne, un minimum de 75 % de bonnes réponses est requis. En cas d’échec, les candidats ont une seconde chance. S’ils échouent à nouveau, ils peuvent participer à un cours ou reprendre l’évaluation une troisième fois.

Exemples de questions

Québec a dévoilé des exemples de questions qui sont inspirées par la Charte des droits et libertés de la personne :

  • Au Québec, les femmes et les hommes ont les mêmes droits et cette égalité est inscrite dans la loi. Vrai ou faux?
  • Quelle est la langue officielle du Québec? L’anglais, l’espagnol, le français, le français ou l’anglais?

Le ministre défend son test des valeurs

Le ministre de l’Immigration, Simon Jolin-Barrette a soutenu que son gouvernement a rempli une promesse électorale.

À l’origine, le gouvernement Legault voulait pourtant rendre la réussite d’une telle évaluation obligatoire pour l’obtention de la résidence permanente. Il s’agissait d’ailleurs d’une demande du premier ministre du Québec aux chefs fédéraux avant la dernière campagne électorale.

Au cours de cette campagne fédérale, le premier ministre sortant, puis réélu, Justin Trudeau, avait reconnu au Québec le droit d’imposer un test des valeurs aux nouveaux arrivants dans le cadre de l’obtention du CSQ. Ces derniers mois, son gouvernement s’était en revanche vivement opposé à toutes conditions pouvant toucher la résidence permanente.

Le premier ministre Legault a cependant assuré avoir « bon espoir » de « convaincre » le gouvernement Trudeau de faire ultérieurement de ce test une condition à l’obtention de la résidence permanente. Il souhaite également mettre en place un test de français.

De son côté, Simon Jolin-Barrette a défendu la pertinence de cette évaluation, au cours d’une entrevue accordée à l’émission 24/60.

Aucun immigrant ne sera sélectionné s’il ne réussit pas l’évaluation de connaissances des valeurs québécoises, a-t-il précisé, en mettant de l’avant « la laïcité de l’État ».

C’est une particularité, une spécificité de la société québécoise. On est le seul État en Amérique du Nord à faire de la laïcité une de nos valeurs fondamentales. Et puis, je crois que les Québécois sont attachés à la laïcité.

Le ministre Simon Jolin-Barrette

Une mesure inutile, déplore l’opposition

L’ajout de ce test de connaissance des valeurs québécoises a cependant soulevé plusieurs interrogations dans les rangs de l’opposition, notamment chez les libéraux, qui ont dénoncé la facilité des questions posées.

Quel est l’objectif final de ce test si le taux de réussite sera de 100 %? Donc, au bout de la ligne, on teste les gens et on s’assure que 100 % vont réussir ce même test que nous avons établi.

Monsef Derraji, porte-parole de l’opposition officielle en matière d’immigration

Soulignant au passage que les futurs immigrants remplissent déjà une déclaration des valeurs communes dans le processus actuel de candidature, le député libéral de Nelligan a fait remarquer que le passage d’un tel test ne signifie pas nécessairement que vous adhérez aux valeurs québécoises.

Le député solidaire, Andrès Fontecilla, a quant à lui déploré le très mauvais message qu’envoie l’imposition de ce test aux futurs immigrants, mais aussi à ceux qui sont déjà installés au Québec.

Ça envoie le message comme quoi les immigrants ne respectent pas les valeurs universelles, parce que ce ne sont pas des valeurs québécoises, ce sont des valeurs universelles comme l’égalité entre les femmes et les hommes, etc. Donc les immigrants sont fondamentalement des gens différents qu’il faut trier.

Andrès Fontecilla, député solidaire de Laurier-Dorion

Un test qui coûtera 240 000 $

Le ministre Jolin-Barrette a révélé que ce test des valeurs coûtera au final 240 000 $. Un montant d’environ 100 000 $ avait été prévu dans le budget du ministère de l’Immigration. Un contrat de 140 000 $ a également été accordé à « des experts », a détaillé le ministre.

Certains diplômes privilégiés

Un resserrement de l’accès au Programme de l’expérience québécoise (PEQ) a également été annoncé. Celui-ci sera en vigueur dès le 1er novembre.

Le PEQ permet aux étudiants étrangers diplômés et aux travailleurs étrangers temporaires vivant déjà dans la province d’obtenir rapidement le CSQ. Cependant, cette mesure a été victime de son succès, avait souligné il y a quelques semaines le ministre Jolin-Barrette.

Dès le mois de juillet, le gouvernement Legault avait d’ailleurs suspendu ce programme pour les diplômés,provoquant la colère du milieu étudiant.

Dans un mémoire déposé au Conseil des ministres, le ministre de l’Immigration avait indiqué qu’il « n’est plus possible de sélectionner l’ensemble des résidents temporaires sans considérer le domaine de formation dans lequel ils ont étudié ou l’emploi qu’ils occupent ».

Pour accéder au PEQ, les étudiants étrangers devront maintenant, impérativement, détenir une attestation ou un diplôme correspondant à un domaine de formation préalablement défini par le ministère de l’Immigration. Dans cette liste, on trouve notamment des métiers liés à l’agriculture, la médecine vétérinaire, la physiothérapie ou l’architecture.

En ce qui concerne les travailleurs temporaires, des dispositions similaires relativement à l’emploi déjà occupé sont décrites.

Source Radio Canada

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